dimanche, août 21, 2005

La barbarie ordinaire

Il est toujours étonnant d’entendre aujourd’hui un discours en faveur de la peine de mort. Pourtant, il nous arrive encore de voir, périodiquement, des appels aux meurtres organisés, notamment lorsqu’un criminel crapuleux présumé est accusé devant la justice. On a vu à l’occasion une foule rassemblée derrière les clôtures d’un établissement carcéral, avertie à l’avance du passage imminent de l’individu, afin de réclamer sa tête. Chauffards ivres et meurtriers, pédophiles, assassins sadiques, violeurs, tous présumés innocents selon notre système de justice, aux dernières nouvelles toujours en vigueur, mais déjà condamnés par avance par cette foule vengeresse.
Nous avons tourné le dos, en tant que société, à une forme de barbarie assimilée à la sanction ultime de la justice. La peine de mort, peu importe la façon dont elle est appliquée, a été, dans la majeur des pays occidentaux, une des dernière manifestation collective et institutionnalisée de « l’instinct de mort » présent chez l’être humain, cette soif irrationnelle et assassine de s’en prendre à son prochain pour les raisons les plus diverses : sanction du crime (réel ou imaginaire), déclaration de guerre, émeutes organisées (pogromes), etc. Dans les nombreuses déclarations mettant un terme à la peine de mort, nous nous sommes permis de croire à l’avènement définitif d’une société moderne, une fois cette étape franchie : proclamation du caractère sacré de la vie humaine, mise en évidence de la double torture que constitue cette sanction (l’attente de la peine et celle-ci), dénonciation de la violence institutionnalisée, réhabilitation pour tous, etc.
Quand je revois ces enragés, criant leur indignation et réclamant une justice immédiate, c’est la barbarie ordinaire que je vois, celle des petites gens aigries, avides de l’immédiat en tout, même celle de la justice, quitte à créer une injustice. C’est l’argument principal des partisans du retour à la peine de mort : « Qu’ils meurent tous, même si quelques uns étaient innocents, justice est faite ». On a vu cette façon de voir sur des drapeaux guerriers, ça se résume à « Kill’ em all and let’s God sort them out », en vente un peu partout dans les boutiques de T-shirts. En bref, une belle régression en perspective.
On pourrait me rétorquer que je m’inquiète pour des riens, que personnes ne portent attention à ces enragés de la potence, que les cameramen des médias filment les vociférations pour faire de la nouvelle. Peut-être. Quand même, ces personnes ne sont pas là pour rien, on les avait prévenues. Qui sont-ils justement, ceux qui les alertent soir après soir, dans les bulletins de nouvelles ou ailleurs, de la hausse vertigineuse du crime, qu’il faut revenir à des pratiques d’un autre âge pour dissuader les criminels? Pourquoi pas diffuser à la télévision l’exécution des criminels, tant qu’à y être? On a laissé trop longtemps le crachoir aux démagogues de la droite, ceux-là même qui ont l’estime des aigris et des craintifs, les Gilles Proulx, Jean-Luc Mongrain et Stéphane Gendron de ce monde, pour que nous retournions à la barbarie. Comme on sait l’importance de leur auditoire, pas étonnant d’entendre que le nombre des partisans au retour à la peine de mort est en hausse, au point de ramener le débat dans nos institutions. Dans cette société, nous avons choisi que tous avaient la possibilité d’être jugé. Ne laissons pas les démagogues nous ramener à l’âge de la potence.

Et les chiffres? Vous les sortez d'où?

À lire La Presse ces derniers jours, on dirait que le mot d'ordre de s'en prendre aux syndicats, voire au syndicalisme en général, provient du bureau du premier ministre Charest. Non seulement les éditorialistes se relaient pour avertir les syndiqué(e)s du secteur publique de revoir leur demande à la baisse, voilà que le grand rédacteur économique Claude Piché, celui là même qui écrivait "y'a pas de pauvre à Montréal" les prévient: selon lui, l'État québécois frôlent la faillite si jamais les syndiqué(e)s n'obtempèrent pas à la "ligne dure" du gouvernement.

À défaut d'être moindrement crédible, hors du cercle des fanatiques du marché et du mantra de la "main-invisible-qui règle-tout-en-concurrence-parfaite", M. Piché aurait eu moindrement la décence, s'il veut être sérieux dans sa démarche, de fournir ses références quand il cite des chiffres. À en croire ce qu'il a écrit, aussi bien quitter la province, on est endetté plus que n'importe quel citoyen sur la planète. Fini les projets, donnons toute la richesse collective au règlement de notre dette et au diable le reste, l'entreprise privée s'en occupera. quand aux syndiqué(e)s, qu'est-ce qu'ils font là à demander quelque chose à l'État? Assez simple comme raisonnement, non?