lundi, octobre 17, 2005

Ils ne sont riches seulement parce que nous sommes pauvres


De ma courte vie professionnelle, commencée à mes seize ans en 1986, je n’ai pas connu beaucoup d’employeurs. Au moins j’ai eu la chance (si j’ose dire) de les avoirs presque tous connu personnellement. Employé dans le secteur privé, c’est quand même assez commun, les entreprises où j’ai vendu mes efforts ne furent pas des grandes, seulement de la catégorie moyenne. La proximité du patron m’est familière. Souvent, il s’agissait du fondateur, de l’entrepreneur, ce dernier terme est le préféré de ces personnalité souvent décrite comme « hors du commun », « exceptionnelle », « audacieuse » et avec d’autres termes généralement flatteurs.

Avec le recul, il m’est arrivé aussi de trouver ces personnages hors du commun, mais dans un sens inévitablement négatif. C’est cette proximité qui a probablement contribué à me donner une vision franchement enlaidie de ces « innovateurs » et ces « capitaines d’industrie » qu’ont été mes patrons. Simplement par le fait qu’ils étaient très ordinaires comme individus, je n’en ai pas connu qui m’ont donné envie de nouer des relations plus cordiale avec eux. Même qu’ils étaient tous assez moches (dans leur tête surtout, le physique ne me préoccupe pas beaucoup), je ne sais comment composer avec des amitié aussi peu naturelles, dans ces cas où je me sens repoussé par leur attitude de patron, celle qui a fait leur fortune.

La chose dont ils ont tous en commun, une qualité à en lire les journaux vantant leurs réussites (Les Affaires en autres), c’est leur avidité. Le goût d’en avoir toujours plus, d’être toujours plus riche, même si ce n’était pas des situations toujours reluisantes, ils se voient toujours en vainqueur, du moins tant qu’on ne leur demande pas un certain partage des bénéfices. Aussitôt notre demande formulée, ils se transforment en lamentables perdants, au bord du précipice, que notre demande risque de les perdre à jamais. Autrement, on les reconnaît à leur façon de plastronner, cette manière de se montrer fier d’une vie bâtie sur des sacrifices et de longs effort, surtout ceux des autres.

Le concept « avidité » me plaît bien, quand je me représente mentalement un patron. Le goût d’en avoir plus, d’être compétitif, de vouloir être le plus riche, même si on n’a pas une espérance de vie de plus de cent ans et souvent pas de descendants, pour pouvoir dépenser et léguer la richesse que peut accumuler des dizaines de travailleurs gagnant un salaire moyen pour toute une vie de salariat. J’aime beaucoup son équivalent anglais, « greed ». Le son sinistre lorsque nous le prononçons correspond bien à ce qu’il représente. Quant à la son qualificatif, « greedy », qu’on traduit par « cupide », non seulement il demeure sinistre mais il allie également une sonorité évoquant le caractère futile de la chose. Imaginer, être riche à ne plus savoir quoi faire de son fric…quelle connerie!


J’ai appris ainsi que leur richesse, c’est notre pauvreté. La pauvreté des travailleurs, stigmatisés parce qu’ils sont paresseux, n’ayant peu de qualité, ils sont ingrats, chialeurs, ignorants de leur chance et qui ne reconnaissent pas le risque que ces « innovateurs » doivent assumer, pendant qu’ils sont devant leur télé à boire de la grosse bière. Ces travailleurs qui font le crime de lèse-majesté de se syndiquer, soit se réunir comme une petite mafia pour soutirer des moyens de leurs patrons par un racket odieux, celui construit autour de la convention collective, ce contrat digne de Faust. Après tant d’effort, voilà ce que le patron moyen doit encore endurer, au lieu de profiter de la vie et des exigences d’être riche : fréquenter des riches, faire le riche, voyager en riche, s’habiller en riche, manger en riche et mourir en riche, avec une pierre tombale immense pour clamer que même mort, on est riche. Pourtant, «Vous ne l’emporterez pas au Paradis » disait un des Évangiles, et les riches que j’ai connu sont tous bêtement athées.

Pour compléter le portrait, je me suis dit qu’il faudrait quelques exemples tangibles, histoire de rendre mon bref portrait crédible. J’ai hésité, car déjà je crains que ma présentation ne verse davantage dans la démagogie dont je me soupçonne un peu. Disons que TOUS les riches ne sont PAS TOUS des cupides et ne sont PAS TOUS porté à ne pas vouloir partager leur richesse. Certains acceptent même de reconnaître la contribution de leurs employés à leur richesse, ce qui est un minimum. Ce n’est pas le cas de ces patrons que j’ai connu plus intimement.

Mais quand même, vive le syndicalisme, travailleurs de tous les pays, unissez-vous!!!

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