lundi, octobre 24, 2005

Quelle lucidité?


Le manifeste « Pour un Québec lucide » a déjà fait réagir à peu près tout le monde au Québec ». De façon assez claire, on a pu constater qu’il existe bien une division politique classique gauche-droite proprement québécoise, libérée de la question nationale. Transcendant les divisions des camps souverainistes et fédéralistes, ce manifeste a fait réagir de façon positive la droite et (très) négativement la gauche, en dépit de la prétention de ses auteurs de ne pas être alignés ainsi. C’est d’ailleurs la réponse habituelle des libéraux., car pour eux il n’y aurait plus de division qui tienne il n’y a plus de classe sociale et l’idée du progrès et de la justice sociale passe par la croissance économique. Pour être honnête, voici l’accès rapide à ce manifeste : http://www.pourunquebeclucide.com/ .
Pas étonnant que j’ai réagi assez vivement. Longtemps on n’avait vu un exercice de malhonnêteté aussi peu subtile, de la part de personnalités regroupées sous le vocable « lucide », quand ils et elles proviennent du même milieu, ceux des nantis. Pas de représentants des groupes de mouvements populaires, de syndicats, de la génération montante, que des « gens de biens ». Comme l’a dit Hélène Pednault à Indicatif Présent sur Radio-Canada, « faut-il avoir un revenu de 150 000 dollars par année pour être lucide? ». Il ne manquait que les patrons de la province, la famille Desmarais, mais elle avait déjà délégué André Pratte, éditorialiste à la Presse, qui va sans aucun doute nous servir ses solutions quotidiennement à partir de ce torchon. Appuyé de son collègue Alain Dubuc, on n’a pas fini d’en entendre des belles fadaises.
Et quelles fadaises! Ainsi, pour faire face à la compétition montante de pays comme la Chine et l’Inde, il faudrait faire avec lucidité au défi. Comment? Outre le fait qu’il faudrait probablement remettre le taux de natalité à celui de nos grands-parents, ces braves qui ont fait preuve d’abnégation totale, il faudrait également avoir une qualité de vie comme en Chine et en Inde? Ça va être beau, à 65 cents de l’heure. Le succès de notre coin de pays face à deux pays ayant plus d’un milliard d’habitants chacun, de façon incomparable, serait que toutes la population brade ses acquis sociaux, reviennent à une qualité de vie d’avant les années soixante, laisse tomber sa représentation populaire et syndicale, en suivant aveuglément les « lucides » et leurs solutions éculées? La pire de celle-ci est sans aucun doute la confiance aveugle dans les partenariats publics-privés, les PPP. Partout en Occident et plus particulièrement en Grande-Bretagne, les PPP on démontré la limite de déléguer la gestion des services publics à l’entreprise privée. On n’a qu’à penser aux expériences malheureuses produites en Ontario, notamment l’autoroute 417, gérée en PPP, où le péage a doublé en un an, et la gestion des prisons dont l’une imposait le secret sur ce qu’il se passait dans ses murs et dont les gardiens, sous-payés et mal formés, ne restaient un peu moins d’un an en poste, provoquant ainsi la déstabilisation du système carcéral et les évasions à la chaîne. Il est dommage qu’au Québec, avec Jean Charest , on a le plus dogmatique des libéraux, qui porte sa foi en une panacée où partout elle a démontré son échec, mais il faut croire que notre premier ministre a une confiance en son Québec, les PPP devraient fonctionner ici, c’est certain…
La moins libérale des solution, celle du revenu minimum garanti, défendue plus mollement dans le manifeste, est elle-même un leurre. Le revenu minimum garanti n’est pas la solution que défendait Michel Chartrand, sous le vocable du « revenu de citoyenneté », mais bien la formule apportée par Charles Sirois, l’ancien patron de Télégloble Canada, dans son livre Passage obligé, passeport pour l'ère nouvelle (Paru aux Éditions de l’Homme en 1999). Il faut comprendre que la version « libérale » du revenu minimum garanti exclut le maintien des services publics… car chacun aura son revenu minimum pour payer ces services. Entre se payer l’éducation et manger, quel choix reste-t-il aux moins nantis d’entre nous?
Dans les prochains mois, il nous faudra être vigilant pour éviter qu’un programme aussi funeste soit appliqué, où est absent toute question concernant l’environnement, où l’éducation est évoqué qu’en terme de coûts et où on a évacué la qualification du montant de la dette, notamment les actifs et les infrastructures. Il va être intéressant de voir se réaligner les partis politiques, car il n’est pas certain qu’il restera de choix pour les électeurs, quand les trois partis politiques principaux seront désormais alignés sous la même bannière du libéralisme plus ou moins « néo », lorsqu’ André Boisclair sera élu chef du Parti québécois. Le manifeste de la « lucidité » aura permis au moins de montrer à la clarté du jour que la classe politique actuelle crèche à la même enseigne.Pendant ce temps, l’UFP et Option citoyenne est à créer la nouvelle machine de la riposte de gauche. Pour en finir avec la lucidité des riches.

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