mercredi, mars 26, 2008

Le troisième gars de la photo.

Suite a la suggestion que Libereco a laissé sur mon dernier texte, concernant la pertinence d’un boycott des Jeux de Pékin, je me suis rappelé de cet événement, survenu il y a quarante ans. En fait, je n’étais pas né en 1968 mais comme plusieurs d’entre vous, cette photo vous rappelle sûrement quelque chose…


Cette image des deux athlètes américains sur le podium, levant leur poing ganté de noir, a fait une forte impression dans le monde. Tommy Smith et John Carlos ont protesté ainsi, pour soutenir que : "If I win I am an American, not a black American. But if I did something bad then they would say 'a Negro'. We are black and we are proud of being black. Black America will understand what we did tonight.", tel que l’a exprimé Smith en conférence de presse, suite à son geste sur le podium. Lui et son comparse avaient remporté respectivement la médaille d’or et de bronze du 200 mètres, aux Jeux de Mexico. Leur geste soulignait ainsi ce qu’il voulait dire. Le poing symbolisait la protestation, à la manière des Black Panthers, une organisation politique à laquelle les deux athlètes ne faisaient pourtant pas partie. La tête baissée durant l’hymne nationale signifiait le deuil. Le fait qu’ils aient enlevé leurs chaussures symbolisait la pauvreté des enfants noirs.

Évidemment, ça a mal réagi. Le président du Comité olympique international a exclu les deux athlètes et ils ont été expulsés du Village des athlètes, comme des malpropres. Ils seront également bannis à vie de toute compétition régie par le CIO. De retour chez eux, Smith et Carlos ont eu d’innombrables menaces de mort et ont dû subir des années de vache maigre en continuant leurs études, avant de faire carrière au football professionnel. Aujourd’hui, Smith et Carlos sont honorés par un monument rappelant ce geste hautement symbolique, de même que d’autres bâtiments et rues à leur nom.

J’ai évoqué le troisième homme sur la photo. Il s’agit de l’athlète blanc, sur la deuxième marche du podium. L’Australien Peter Norman n’a pas été qu’un spectateur passif. Tout juste avant leur entrée sur le podium, il avait été prévenu par les deux autres champions du geste qu’ils allaient faire. C’est lui leur aurait suggéré de porter chacun un gant, l’un d’entre eux avait oublié sa paire. En observant la photo, les trois athlètes portent un large macaron sur leur survêtement, soulignant la cause africaine-américaine. Par la suite, Norman a été sévèrement blâmé pour son appui mais n’a pas été expulsé. De retour dans l’Australie conservatrice de l’époque, on a continué à le critiquer pour son geste noble. Cela lui a coûté sa sélection aux jeux suivants de 1972, les officiels préférant ne pas faire de vague supplémentaire en le choisissant.

Peter Norman est décédé en 2006, d’une crise cardiaque. Tommy Smith et John Carlos se sont déplacés en Australie et ont été des hommes qui ont transporté son cercueil, jusqu’à son dernier repos.

Peut être qu’à défaut de voir le boycott de ces Jeux de Pékin, il se trouvera d’autres athlètes qui honoreront la mémoire de Peter Norman, en posant un geste discret ou même très concret, afin de souligner la dérive totalitaire de ce régime. Un régime dictatorial, dont nos gouvernements et entreprises se sont trop longtemps laissés bercés par de vaines promesses de démocratie.

Ces Jeux de Pékin ont la même odeur de souffre que ceux de Berlin, en 1936. Ceux-là, doit-on s’en rappeler, avaient servis de vitrine du IIIe Reich et du « triomphe de la Volonté ».

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