mardi, juillet 15, 2008

L'ignorance volontaire.

Dans la période où les événements d’envergures se succèdent, le Festival de Jazz, le Festival d’Été, les Nuits d’Afrique, les Francofolies et bien d’autres, sans oublier le 400e anniversaire de Québec, quoi de mieux approprié que de parler d’économie. L’Institut Fraser, le grand frère canadien de l’Institut économique de Montréal (IEDM), a mandaté un « analyste » pour nous répéter encore une fois le saint credo libertarien. Ce texte paru dans la Presse de jeudi dernier est un bel exemple de la rhétorique que nous assènent à tout coup les instituts néolibéraux d’experts autoproclamés. Cette fois-ci, l’auteur n’a pas été bien loin pour étaler ses arguments, en faveur de la fin des subventions aux festivals déjà établis comme le FIJM, le Festival Juste pour Rire et les Francofolies. Travaillant au sein de l’Équipe Spectra, je vois bien que le monsieur Minardi n’a que faire de la réalité d’une organisation d’envergure. Pour lui, tout se juge à l’ornière de l’économisme, Quitte à passer pour un crétin et être obligé de se défendre piteusement par la sempiternelle excuse « ben j’voulais susciter un débat… ».

On s’est habitué à ce genre de festival très rassembleurs, mélangeant spectacles gratuits à l’extérieur et payant à l’intérieur. Pour Minardi, ce type d’activité pourrait suivre son cours en se passant de tout financement public, au nom de la saine gestion de l’argent reçu des contribuables. L’idée qu’avance l’expert est une façon détournée une certaine privatisation des événements, de façon à ce qu’ils soient compatibles avec la vue froide de l’économiste qu’il est, incapable de voir les choses autrement. L’argument est toujours le même, selon lequel on n’a qu’à faire confiance au marché, les produits culturels québécois se tireront très bien d’affaire. Les canards boiteux, tant qu’à eux, n’auront plus qu’à crever la bouche ouverte, après cinq années de subvention. La confiance, voilà le leurre de notre soi-disant expert et de ses semblables, afin de nous faire croire à leur intérêt porté envers les entreprises d’ici. S’il y a bien une absence commune aux néolibéraux, c’est bien l’attachement « irrationnel » à la production locale : le marché avant tout! Cette croyance aux mécanismes du marché les amène à écrire n’importe quoi, par l’ignorance volontaire de ce qui est en dehors du domaine économique. Pour Minardi et ses semblables, l’économie explique tout, alors il est peu courant de les voir s’intéresser aux autres points de vue. On a qu’à lire de dénigrement systématique qu’ils font des sciences humaines, dans leurs publications, pour se convaincre de leur attachement quasi-religieux à leur dogme.

L’argumentaire néolibéral tient rarement compte de l’histoire ou encore de l’aspect contextuel, sauf quand ça arrange les choses. L’économie, en tant que science « exacte » pour les néolibéraux, n’a rien à faire avec les faits. Dans le cas de l’analyse de notre expert frasérien (excusez le néologisme, ça me tentait de l’amener, celui-là), il n’a jamais fait mention du contexte de la naissance de ces festivals. Il n’a pas non plus tenu compte des possibilités de financement par le secteur privé, qui est vraisemblablement au maximum de ce qu’il peut contribuer. Rappelons-nous de la crise occasionnée par le retrait des entreprises du tabac de la Formule 1, à Montréal. L’événement a failli ne pas s’en remettre. La légèreté avec laquelle Minardi analyse la question des principaux festivals démontre son ignorance des coûts de production et de logistique. Un événement comme le Festival international de Jazz de Montréal, s’il devait se passer la part de financement gouvernemental, devrait réduire largement sa programmation extérieure, de même que le nombre de spectacles. Il aura beau être très bien établi, ce n’est pas demain la veille que mes patrons feront la même confiance au marché pour se lancer ainsi dans le vide. Le financement gouvernemental est essentiel au maintien du FIJM comme les autres, dans leur forme actuel.

Un des aspects que Minardi et ses pairs des instituts économiques dont il est rarement question est le retour sur l’investissement, de la part de l’État. Les différents paliers de gouvernement auraient déjà signifié leur refus de subventionner les grands festivals, avec les explications de notre pseudo-analyste. On retrouve bien dans ces officines des administrateurs ayant un cursus similaire à d’autres administrateurs dans le secteur privé, pourtant ils sont ouvert à subvenir aux différents événements culturels. L’investissement public rapporte plus que la mise initiale, comme le développement de la scène culturelle locale, ou encore la diffusion d’artiste d’ici. Les retombées d’un festival d’envergure se calculent en millions de dollars de profits indirects, pour de nombreuses entreprises, petites et grandes, proches ou éloignées. L’investissement de l’argent public pour le faire fructifier dans l’économie ne devrait pas être vu comme une dépense injustifiée, mais bien à un stimulant. C’est un rôle dont l’État ne devrait plus justifier, même s’il n’apparaît pas toujours à l’avantage des contribuables. Pour nos experts néolibéraux, gardiens du dogme du libre-marché, c’est une hérésie qu’ils s’efforcent de combattre sur toutes les tribunes, même s’ils doivent ensuite se replier sous le tollé et le « débat qu’ils souhaitaient susciter »…

Il est dommage que sous les pompeuses qualifications « analyste », « économiste » ou « chercheur » des instituts économiques néolibéraux, on retrouve en fait des talibans du libre-marché, dont les connaissances restreintes à leur religion ne devraient pas leur permettre l’importance démesurée que les médias leur accorde, comparativement à d’autres intervenants. Il s’agit de voir la publicité entourant les recherches biaisées et les « palmarès » de l’IEDM et de l’Institut Fraser pour s’en rendre compte. Les déclarations de ce Minardi en sont un autre exemple, parmi tant d’autres.


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