samedi, février 02, 2008

Le crime en col blanc et l'incapacité d'agir.

Les condamnations successives de Vincent Lacroix et d’André Charbonneau, survenues cette semaine, ont laissé de bonnes impressions dans la population. Le message lancé a été sans équivoque, le crime de ce genre ne peut être toléré. Douze ans moins un jour de prison à Vincent Lacroix, dont nous connaissons bien le dossier, sept ans à André Charbonneau, le fondateur de la compagnie d’assurance-vie l’Alternative, coupable d’avoir fraudé 440 petits épargnants pour 13 millions de dollars, sont des messages clairs lancés par le système judiciaire. Ce type de crime ne seront plus laissés à la légère. Mais est-ce suffisant?

Ces procès ont permis de mettre en relief l’efficacité défaillante des mécanismes de surveillance des transactions financières. Malgré la présence de l’Autorité des marchés financiers (AMF), une entreprise comme Norbourg a été utilisé par son président pour son propre profit personnel de façon aberrante. Lacroix s’est servi de façon éhonté, tel que son procès nous l’a révélé, pour maintenir un niveau de vie insolent. L’escouade des crimes économiques de la GRC a enquêté également de son côté, permettant de suivre des transactions frauduleuses en dehors du pays, mais on se demande encore pourquoi ce fut l’AMF qui a réagi la première, compte tenu de l’importance des crimes. À ce sujet, plusieurs ont souligné la lenteur de cette institution, sans compter ce curieux silence adopté par la Caisse de dépôt et placement, l’ancien employeur de Lacroix. Quant à Charbonneau, libéré en fin de semaine suite à sa demande d’appel, sa faillites rapides semble cacher une entreprise entièrement frauduleuse qui a mal tourné, une parmi tant d’autres, car la législation est incomplète et impuissante à cerner les transactions frauduleuses des risques audacieux à haut rendement. Charbonneau, avec l’Alternative, promettait des rendement de plus de 10%.


Messieurs Lacroix et Charbonneau

Ces exemples récents des dérapages du monde financiers rappellent non seulement la faible capacité de nos lois québécoises et également canadiennes, mais aussi le retard considérable que nous avons accumulé, pour protéger la population du crime économique. Dans le contexte de la déréglementation tout azimut, il semblerait que nos dirigeants politiques ont été bernés par la rhétorique de l’auto-régulation du libre-marché. Les idéologues néo-libéraux, ayant l’oreille des politiciens issus de leur milieu, ont toujours prétendu qu’une législation trop rigide empêcherait la bonne marche des affaires et provoquerait inévitablement un ralentissement de la croissance. De plus, ils ont fait croire qu’un marché régulé par lui-même, par la bonne foi des participant, empêcherait de toute évidence les actes criminels dont nous avons été informés. Cette bonne parole s’est maintenue très longtemps, sans critique à l’interne de l’establishment, empêchant que des lois protège efficacement les investisseurs. Il faut entendre à nouveau les sages de la vérité économique révélée, sans aucun scrupule, avouer benoîtement qu’il existera toujours la possibilité de voir de petits investisseurs se faire escroquer au détour, malgré la mécanique infaillible du marché auto-régulé…

Il est étonnant de savoir qu’au pays du capitalisme réel, les Etats-Unis, la législation contre ce type de crime est beaucoup plus efficace qu’ici, malgré les cas d’école d’Enron et Wolrdcom. Il faut savoir que dans ce pays, il existe encore des gens assez intelligents pour s’opposer aux jovialistes anti-interventionnistes du libre-marché, pour protéger le système capitaliste contre ses tares internes. Dans le contexte de la forte influence dogmatique du néo-libéralisme parmi les politiciens d’ici, devant les partisans de l’intervention de l’État dans l’économie, il nous est peu probable de voir une amélioration de la surveillance des transactions financières. Surtout quand les gouvernements semblent sourds aux appels de restreindre la fuite des capitaux, telle que nous l’observons, dans sa pleine démesure.

Pour revenir aux tares internes d’un système économique, rappelons que ce furent celles-ci qui ont eu raison du socialisme soviétique, par la lenteur et/ou son refus des réformer des dirigeants et le dogme idéologique. Serait-ce une répétition à prévoir, pour un système capitaliste qui s’en est tiré une première fois par le keynésianisme, après la crise des années 30? Quand nous lisons des inepties sur la capacité du libre-marché à éviter les écueils du même type que ceux de cette période sombre, écrit par les néo-libéraux des think tank comme l’IEDM, on ne peut que réfléchir sur la façon légère dont la propagande soviétique sous Leonid Brejnev (durant ses années de pouvoir, 1964-1982) endormait la population, alors que la production du pays sombrait dans la déliquescence. À cette date, la perestroïka, pour le capitalisme actuel, ne semble pas avoir été imaginé…

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